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En 2016, le groupe de métal suédois Sabaton a sorti un album au nom évocateur, The Last Stand, que le dieu Mars n'aurait pas renié. Consacré aux batailles de la dernière chance, il fait figurer le titre "Sparta" en première ligne. Cette chanson évoque la bataille des Thermopyles, un épisode marquant, pour ne pas dire emblématique, des guerres qui ont opposé cités grecques et empire perse. C'est celui qui a cristallisé l'image du roi Léonidas et contribué aux légendes sur les soldats spartiates. Voici ce qu'en dit la chanson, et voici ce que j'en pense.
Posons le décor !
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A l'Est, du nouveau...
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Les origines de ce conflit remontent à plus loin, avant même la première de ces guerres. L'élément déclencheur remonte à des révoltes de cités grecques soumises à l’Empire perse, révoltes soutenues par la Cité-État d’Athènes. Ces insurrections ont été matées, mais l’empereur perse de l'époque, Darius Ier, qui souhaite écraser ceux qui ont osé lui tenir tête, lance une expédition sur la Grèce en 490 avant notre ère. Cependant, il se fait repousser par l’armée grecque coalisée à la bataille de Marathon, et rentre chez lui ourdir sa vengeance...
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"Quand on l'attaque, l'Empire contre attaque"
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Sa vengeance, il la prépare, et la laisse tranquillement refroidir. Tant et si bien qu'il mourra avant d'avoir pu la mettre à exécution. En effet, c'est son fils, Xerxès Ier, qui lancera une nouvelle expédition, celle qui entraînera la seconde guerre médique.
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Se diviser pour mieux tenir ! Ou l'inverse, je sais plus trop...
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Une partie des Cités-États se rassemble face à l’envahisseur, à commencer par Athènes et Sparte. D’autres restent neutres, certaines finissent même par pencher dangereusement du côté de l’Empire, comme Thèbes.
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"Ce qui nous sauve de la bureaucratie, c'est son inefficacité..."
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La coalition se rassemble autour du commandement terrestre de l’un des deux rois de Sparte, Léonidas Ier, et autour du commandement maritime de l'un des stratèges d'Athènes, Eurybiade. Il est tout de même à noter que ces commandants n’ont pas les pleins pouvoirs et que les cités pouvaient se retirer à tout moment. Et comme d'habitude, les Cités-États ne pouvaient pas se résoudre à pleinement s'associer dans un même but...
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Cette division éclate lors du rassemblement des troupes. En effet, bon nombre des membres de la coalition rechignent à envoyer l'ensemble de leurs forces, voire même une simple part, car les Perses lancent leur invasion au moment de la fête religieuse des Karneia, en l'honneur d'Apollon, ce qui, combiné au mépris qu’éprouvent certaines cités vis-à-vis des Perses, réduit de manière significative les effectifs de la coalition.
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Le choc des Titans... ou, au moins, des phalanges
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que les périèques, des Grecs soumis à Sparte. La force globale des Grecs semble ainsi s'élever à 10 000 ou 12 000 Grecs. Ces estimations ne font toutefois pas l’unanimité au sein des historiens mais ce sont les plus probables.
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Αλαλά !! Ah la la !!
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Xerxès est obligé de passer par cette route s'il veut atteindre les villes coalisées du Sud de la Grèce. Ensuite, c'est parce que la configuration de ces ''portes'' constitue un avantage : cet étroit corridor rocheux fait que le nombre des Perses ne joue pas en leur faveur, au contraire de l'armée grecque, qui pouvait parfaitement exécuter sa formation favorite, la phalange d'hoplites !
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Formation emblématique des Cités-États de l'époque, elle est composée de plusieurs rangs de soldats, lourdement armés et ordonnés en rangs serrés, que l'on appelle les hoplites. Ces hoplites forment une masse compacte organisée grâce à un chant, un péan, entonné par tous les hoplites, pour se donner du courage, faciliter la coordination des pas et provoquer la peur chez leurs ennemis. Leur nom vient de leur grand bouclier rond, l'hoplon.
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Mais revenons aux Thermopyles : le premier jour, bien qu'en sous-nombre criant, les Grecs parviennent une première fois à repousser les Perses. Le deuxième jour, des renforts viennent gonfler les rangs des coalisés. Les Perses tentent une nouvelle fois de percer les phalanges grecques, mais une nouvelle fois, ils sont repoussés. Enfin, lors du troisième jour, un Grec trahit son camp et va vendre à Xerxès ses connaissances du terrain. Il lui indique l'existence d'un étroit sentier de chèvre qui permettrait de contourner les Grecs. Comme il n'est gardé que par quelques défenseurs, les Perses parviennent à l'emprunter et à encercler les coalisés, si bien que la position de ces derniers devient intenable. Les chefs militaires des Cités-États décident de battre en retraite ici, pour conserver leurs forces pour une autre bataille, et le roi Léonidas choisit de se porter volontaire pour rester avec ses 300 gardes personnels, les Hippéis. Il est cependant rejoint par des volontaires d'autres cités, notamment les Thespiens.
Ainsi, au matin du troisième jour, alors que les Perses s’apprêtent à charger, Xerxès propose à Léonidas de rendre les armes, ce à quoi ce dernier aurait répondu : "Viens les prendre !". La bataille s'engage et la poignée de coalisés restants périt jusqu'au dernier.
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Léonidas, l'Opéra Rock
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Un hommage à 300 ?
La première chose qui me vient à l'esprit en écoutant cette chanson, c'est la volonté de Sabaton de se rapprocher du film à succès que l'on doit au réalisateur américain Zack Snyder : 300, sorti en 2006. Cette ressemblance se perçoit dès les premières secondes de l'introduction qui sont ponctuées de « Haou » rappelant l'une des scènes les plus mythiques de 300. Cette inspiration ne s’arrête pas là. En effet, on peut retrouver certaines paroles tirées directement du film comme « Tonight we dine in hell » (ce soir nous dînons en enfer) ou bien des allusions directes, dans le refrain, aux gardes personnels de Léonidas : « Sing of the three hundred men » (chantons les 300 hommes). Autre référence directe à une scène du film : la nuée de flèches recouvrant le soleil, « when arrows blocked the sun they fell » (quand les flèches bloquèrent le soleil, ils tombèrent).
...Ou alors une idéalisation plus large d'un ''passé commun'' ?
Le deuxième aspect marquant de cette chanson est la volonté, de la part de Sabaton, d'inscrire cet événement dans une sorte d'histoire collective occidentale. On note ainsi la mention récurrente de gloire et d'héritage immortel avec les derniers mots du refrain : « live forever » (vivent à jamais) ou bien « glory and death » (gloire et mort). Les premiers mots de la chanson, « many, many years ago », nous ramènent, quant à eux, dans un cadre ancien non défini, qui nous fait entrer dans l'atemporalité (et qui n'est pas sans rappeler le « il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine de Star Wars »). Enfin, on retrouve également la mention du personnage d'Ephialtès, le traître ayant délivré des informations cruciales aux Perses : « know his name, know his shame, will last for ever » (connaissons son nom, sa honte durera pour l'éternité). Mais précisément, alors que l'on connaît son nom, ce dernier ne sera nullement dévoilé dans cette chanson.
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Des Perses fidèles à eux-mêmes, ou en tout cas fidèles à la vision que l'on se fait d'eux...
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...face à des Spartiates éclipsant bien vite leurs frères grecs
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« Slaughter ! Persians ! »
(Extermination ! Perses !)
« Glory and death, Spartans will never surrender »
(Gloire et mort, jamais les Spartiates ne se rendront)
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Sabaton se grime malgré tout en professeur d'histoire
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Des allusions à l'Histoire se glissent dans cette chanson. Leur posture est qualifiée juste avant le refrain : « spear in hand » / « Form a wall » (lance en main / formons un mur), ce qui est fidèle à la description des phalanges grecques que je vous ai livrée précédemment. Autre allusion à l'histoire : la conscience du caractère décisif de ce jour. D'où la mention des « hot gates » (portes chaudes) - qui n'ont jamais aussi bien porté leur nom, ainsi que la présence de la métaphore « morning has broken » (le matin a cédé). Mais surtout, la représentation de cette bataille se nourrit de plusieurs chroniqueurs grecs, à l'instar de Diodore de Sicile. Les guerres médiques ont été relatées par l'historien Hérodote, dans les livres V à IX de L'Enquête (sens originel du mot 'histoire' en grec, qu'il crée) : on peut y lire sa vision de la bataille des Thermopyles et du dernier jour de lutte entre Grecs et Perses (livre VII, §205 sqq).
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Ainsi, « tonight they dine in hell » vient de la phrase qu'aurait prononcée Léonidas à ses soldats la veille de leur baroud d'honneur : mangez bien car ce soir nous dînerons en Hadès (nom pour désigner les Enfers chez les Grecs). Tout un couplet de la chanson reprend un passage d'Hérodote :
Morning has broken, today they're fighting in the shade
Le lendemain matin est brisé, aujourd'hui ils combattent dans l'ombre
When arrows blocked the sun they fell
Ils sont tombés lorsque les flèches ont recouvert le soleil
C'est une allusion au récit de la fin des combats et à un dialogue anecdotique, rapporté par "le père de l'Histoire" (tel est le surnom que Cicéron a donné à Hérodote), entre un spartiate, Diénécès et un autre grec à propos des flèches perses. Ce dernier exprimait son inquiétude quant au nombre de flèches pouvant être tirées par les Perses : « elles sont si nombreuses que la masse de leurs traits recouvreraient le soleil ! ». Diénécès lui aurait alors répondu : « ce que tu m'apportes est excellent. Au moins si les Mèdes cachent le soleil, nous combattrons à l'ombre. » (livre VII, §226)
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Les expressions de Sabaton viennent donc moins du film 300 que des récits historiques antiques, avec toute la part de subjectivité et de fantasme qu'ils comportaient déjà à leur époque.
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Retenons donc que la bataille des Thermopyles, telle qu'elle est ancrée dans la culture populaire, est bien plus l'héritière de la propagande grecque que de l'histoire brillante de l'empire perse, tout aussi riche et avancée que la Grèce des Cités-États.
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Commençons par résumer l’histoire de cette bataille. Elle a lieu en 480 avant notre ère pendant la deuxième guerre médique (480 av JC - 479 av JC). Elle oppose plusieurs cités grecques, dont Sparte, Athènes ou Corinthe à l’Empire perse qui s'étend du Nord de la Grèce aux frontières nord de l'Inde actuelle.

Plan du déroulement de la bataille (https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_des_Thermopyles#/media/Fichier:Battle_of_Thermopylae-fr.svg )
Nous approchons maintenant de l'événement qui nous intéresse tout particulièrement : la bataille des Thermopyles. Situé au Nord d’Athènes, cet étroit passage est le théâtre de la première bataille d'importance de ce conflit. Elle oppose à peu près 300 000 Perses à plusieurs milliers de soldats grecs. Les chroniqueurs parlent de 6000 à 7000 hommes et d'un renfort de soldats difficilement mesurable étant donné qu’ils viennent des couches « serviles » des sociétés grecques : les ilotes, des sortes d’esclaves, ainsi

Face à ces Grecs coalisés se tiennent les Perses qui sont ici décrits assez sommairement. On peut voir, au début de la chanson, une mention de ces derniers : « Persia came ashore » (la Perse accosta), puis, plus tard dans la chanson, cette Perse est totalement déshumanisée pour n'être plus qu'une « fateful horde » (horde fatale).

Membres du corps d'élite de l'armée perse, les Immortels, Vème siècle av JC
("Ranks" by dynamosquito is licensed under CC BY-SA 2.0)

À l'opposé de cette vision lacunaire des Perses, les guerriers spartiates semblent être les véritables protagonistes de cette bataille : le choix du titre en est une preuve, tout comme le « Sparta » qui débute le refrain. Ils semblent avoir l'entier contrôle de la coalition, qui n'est que très peu évoquée. Seuls les termes « brothers » (frères), « Hellas » (autre nom de la Grèce), et « hellenic hearts » (cœurs helléniques) suggèrent l'idée d'unité. Sabaton nous précise que ces cœurs sont « set aflame » (incendiés) : les soldats sont unis par une irrépressible envie d'en découdre, chose que confirme une autre partie du refrain :

Le premier jour, une petite partie de l'armée grecque, très faible en nombre, tient "les Portes Chaudes" (c'est ce que signifie le mot Thermopyles en grec) face à l'armée perse. Ils sont tout de même confiants, et ce grâce à la tactique mise en place par leur leader, Léonidas. En effet, ce dernier a choisi cet endroit à dessein. Tout d'abord, son emplacement est stratégique :
Après ce revers réel pour l'armée grecque, qui espérait une victoire aux Thermopyles, les Grecs transforment cette bataille ainsi que le sacrifice de Léonidas en un outil de propagande pour la cause de la coalition, au point d'en faire le ciment de leur union. C'est pourquoi, depuis ses premières retranscriptions jusqu'à aujourd'hui, la représentation collective que nous avons de cette bataille n'a cessé d'évoluer, d'être idéalisée, remaniée voire romancée, aboutissant à une forte présence de celle-ci dans notre culture populaire, au travers de films tels que La Bataille des Thermopyles de 1962, 300 de 2006 ou bien encore, dans une démarche bien plus décalée et humoristique, Spartatouille de 2008. On l'avait aussi vu dans les comics, avec la série 300, celle-là même qui a inspiré le film du même nom, ou encore dans des chansons. Le titre Sparta, de Sabaton, s'inscrit donc dans une longue lignée d'adaptations. Voyons-en maintenant les spécificités.

Couverture de l'album de Sabaton The Last Stand (2016) (https://www.pinterest.fr/pin/745205069568321490/)

Monument en mémoire de la bataille des Thermopyles, à l'emplacement de la bataille ("Thermopylae - Monument of Leonidas" by Ava Babili is licensed under CC BY-NC-ND 2.0)
Posons le décor !